Après les résultats des dernières élections législatives suivies par les congés d’été, tout s’est arrêté au ministère de l’Éducation nationale. Pourtant, plusieurs dossiers d’importance attendaient d’être traités urgemment : les premiers effets très attendus des annonces du « Choc des savoirs » n’ont ainsi pas eu lieu. Pas de modification du barème du brevet des collèges. Peu d’incidence sur le déroulement du baccalauréat. À l’université, c’est la réforme de la formation initiale qui est tombée à l’eau. Quant aux groupes de niveaux, leur pérennité dépendra essentiellement de la volonté politique à venir. Or, nous partons de très loin, au point qu’on puisse douter de la survie de ce dispositif mal préparé et imposé avec brutalité aux équipes, sans moyens adaptés en cette rentrée.
Mais cette subite inertie va faire peser très vite une grande responsabilité sur la nouvelle équipe ministérielle. C’est à elle qu’il va revenir de trancher entre reprise et poursuite de ces réformes, ou coup d’arrêt voire même volte-face.
Ainsi, ces premières décisions ne pourront s’émanciper d’une dimension politique ; ce qui n’est sans doute pas le mieux pour notre institution qui aurait au contraire grand besoin, à l’heure actuelle, d’une personne capable d’une approche plus pragmatique qu'idéologique, s’inscrivant davantage sur le long terme et moins selon l’urgence médiatique.
Notre système éducatif se fragilise rentrée après rentrée : cette fois-ci encore, ce sont 1123 postes du premier degré qui n’ont pas été pourvus suite aux concours de juin dernier, auxquels il faut ajouter 609 places de CAPES et 80 d’agrégation qui n’ont pas trouvé preneurs, faute de candidats au niveau suffisant, ou de candidats tout court.
Le rôle que va jouer la nouvelle gouvernance rue de Grenelle dans les mois à venir est donc crucial : et c’est d’ailleurs un point très important du système gouvernemental français que beaucoup ont tendance à oublier à l’heure actuelle. Une bonne partie des décisions de gestion qui impactent directement la vie quotidienne des agents publics sont prises par le ministère, tout au long de l’année scolaire et en toute indépendance du pouvoir législatif, ou presque. Mis à part le levier des questions au gouvernement, les députés ne possèdent que peu de moyens de s’immiscer dans ces arbitrages qui relèvent de la gestion courante ministérielle, et qui donnent pourtant le ton pour ce qui fait l’essentiel de l’organisation des fonctions publiques. Bien des arbitrages sont rendus ainsi au fil de l’eau, sous le seul contrôle du cabinet ministériel, et la présence (ou l’absence) de majorité politique à l’Assemblée nationale n’ôte rien à ce champ d’action finalement très large, qui s’exprime via les décrets, les circulaires et les nominations…
Dans ce contexte, la question de la place concédée aux organisations syndicales devient plus prépondérante encore. Le retour du dialogue social s’imposera-t-il finalement en force ? C’est ce que l’avenir nous dira.
NORMAN GOURRIER, secrétaire général du SNCL