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"Détournement" du CNED : quand la stratégie scolaire l'emporte sur l'assiduité

"Détournement" du CNED : quand la stratégie scolaire l'emporte sur l'assiduité - SNCL

Des lycéens scolarisés en présentiel choisissent de suivre certaines matières à distance via le CNED, se soustrayant ainsi aux cours dispensés par leur établissement, afin d'obtenir de meilleurs dossiers pour Parcoursup.

Alors que le Centre National d'Enseignement à Distance (CNED) est censé offrir une solution pour les élèves empêchés de suivre une scolarité classique, une pratique de plus en plus répandue soulève des questions au sein de l'Éducation Nationale et des familles : des lycéens scolarisés en présentiel choisissent de suivre certaines matières via le CNED, se soustrayant ainsi aux cours dispensés directement par leur établissement. Derrière cette stratégie, la pression de Parcoursup et la course aux meilleures notes se dessinent comme des moteurs puissants.

 

Une pratique "officielle" mais questionnable

Officiellement, l'inscription d'un élève scolarisé en lycée à des cours réglementés du CNED pour une matière déjà proposée dans son établissement est encadrée. Elle nécessite généralement :

  • Un certificat médical justifiant une inaptitude (totale ou partielle, permanente ou temporaire) à suivre les cours en présentiel.
  • L'autorisation du chef d'établissement, qui valide le besoin de cette scolarisation à distance partielle.

Cette procédure est conçue pour des cas légitimes (maladie chronique, handicap, activités de très haut niveau, etc.) où l'élève ne peut physiquement pas être en classe.

 

L'envers du décor : les stratégies de Parcoursup

Cependant, il est de plus en plus évident que certains élèves et leurs familles exploitent ces dispositifs pour des raisons qui n'ont rien à voir avec des contraintes physiques. La réforme du lycée (avec les enseignements de spécialité) et le fonctionnement de Parcoursup (qui scrute les notes de Première et de Terminale) ont créé un environnement très compétitif, poussant à des stratégies parfois limites :

 1. Recherche de la "meilleure note" : Le CNED est perçu par certains comme un moyen d'obtenir de meilleures notes qu'en présentiel. Comment ?

    ○Maîtrise du rythme : L'élève peut travailler la matière à son propre rythme, insistant sur les points faibles, revoir autant de fois que nécessaire.

    ○Contrôles souvent différents : Les modalités d'évaluation du CNED peuvent être différentes de celles d'un professeur en classe, avec des devoirs "maison" qui laissent plus de temps à l'élève, voire la possibilité de s'aider de ressources externes.

    ○Focus sur l'écrit : L'oral est moins prégnant, ce qui peut rassurer certains élèves moins à l'aise avec la prise de parole en classe.

 2. Aménagement de l'emploi du temps :

     ○ Se soustraire à certaines heures de cours en présentiel permet de libérer du temps. Ce temps est ensuite réinvesti dans d'autres matières jugées plus importantes pour Parcoursup, dans le travail personnel, ou dans des activités extrascolaires valorisantes pour le dossier.

   ○Cela permet une optimisation perçue du temps d'apprentissage et de révision, en se concentrant sur ce qui rapporte le plus en termes de points.

 3. Éviter un professeur ou une dynamique de classe :

   ○Plus officieusement encore, cette démarche peut être motivée par la volonté d'éviter un professeur dont la pédagogie ne convient pas, ou une dynamique de classe jugée trop difficile ou perturbatrice. Le CNED offre alors un cadre plus individualisé.

 

Les conséquences d'un tel "détournement"

Ce phénomène, s'il se généralise, n'est pas sans poser de problèmes :

  • Une déqualification de l'assiduité : il mine le principe même de la scolarité en présentiel, où l'apprentissage passe aussi par les échanges en classe, les questions spontanées, et l'interaction avec le professeur et les pairs.
  • Une pression accrue sur les élèves et les familles : cette course à l'optimisation des notes peut générer un stress supplémentaire pour les élèves et les familles, les poussant à des stratégies qui ne sont pas toujours saines.
  • Une fragilisation du rôle de l'établissement : le lycée perd une partie de son rôle d'encadrement pédagogique direct sur l'élève pour certaines matières.
  • Éthique et équité : la question se pose de l'équité entre les élèves : est-ce juste que certains puissent "échapper" à la réalité de la classe et des évaluations en temps réel pour optimiser leurs résultats ?

 

Pour le SNCL, cette dérive est une conséquence directe de la pression exercée par Parcoursup et le cadre de la réforme du lycée. Elle révèle un système où la performance chiffrée prime parfois sur un apprentissage complet et équilibré, poussant élèves et parents à des stratégies d'évitement plutôt qu'à une confiance totale dans l'enseignement dispensé en classe. Il est urgent, de repenser les modalités d'évaluation et l'attractivité du lycée pour que le CNED retrouve sa mission première : celle d'une solution de dernier recours, et non d'une option stratégique de "contournement".