"Ce plan d'évaluation viendrait sceller, selon lui, un pacte de « transparence » entre l’élève et le correcteur : comme si, du jour au lendemain, le contrat tacite tissé depuis des lustres entre professeur et élèves ne suffisait plus ; sûrement la faute du Covid ?
Quelle naïveté… ou mauvaise foi… La réaction des parents ne se fait pas attendre ; moins enthousiastes, ils remarquent surtout que personne ne lira ce fichier d’une bonne vingtaine de pages malgré sa belle mise en page en couleurs. Et très vite, tout le monde s’accorde à dire que seul l’élève qui voudra contester une note consultera cette charte, et même qu’elle l’encouragera dans cette voie, comme une étrange redéfinition de la bienveillance.
Le plus drôle de l’affaire, c’est que chaque discipline, orientée par l’IPR qui supervisait la rédaction de la charte et veillait à tempérer les ardeurs des collègues un peu trop consciencieux (ou inconscients, c’est selon), a finalement vidé cette dernière de sa substance en amont, avec des formules préventive du type : « les élèves seront évalués selon les directives du B.O ». Autant dire qu’on atteint des sommets en terme de… vacuité.
Ubuesque aussi, l’évolution du règlement intérieur du lycée qu'on nous présente ensuite et qui en découle. Tout d'abord, rien de surprenant en ce qui concerne les épreuves certificatives : absence = zéro sauf si justifiée, auquel cas un rattrapage est organisé. Mais les choses deviennent tout de suite moins claires en ce qui concerne les notes de contrôle continu (40 % du nouveau Bac tout de même) : voici qu'on ne peut pas mettre zéro à l’élève s’il est absent mais il ne peut refuser de passer un devoir de rattrapage. Mais rien n’autorise explicitement l’enseignant à lui mettre zéro s’il est absent lors du rattrapage, ou du rattrapage du rattrapage, s’il s’obstine à refuser l’évaluation.
Cette prévoyance n'est pas un luxe parce qu’en réalité, et cela existe depuis quelques années déjà, des élèves s’arrangent pour ne plus venir en devoir dans les matières qui pénaliseraient leur moyenne. Ou alors ils se contentent des petites évaluations faciles, espérant pouvoir fonder leur moyenne dessus, sans passer par les évaluations plus difficiles. Certains parviennent même à obtenir le Bac en n’ayant jamais été évalués dans certaines disciplines car continuellement absents, les jurys de bac se chargeant de faire passer la pilule !
En poussant la « logique » à son comble dans le cas de plusieurs absents à un même devoir mais qui ne seraient pas « prêts » pour tel ou tel rattrapage, il faudrait prévoir un, deux, trois voire quatre devoirs de secours. Que cherche-t-on là au juste, à part le découragement et l’épuisement des correcteurs dévoués qui ne pensent qu’à échafauder l’évaluation la plus équitable possible ? Probablement à s'assurer qu'aucun désagrément de parcours ne viendra fâcher les parents d'élèves et les amener à faire des vagues dans l'opinion publique...
Ce n’est pas d’une charte dont les collègues ont besoin, mais d’une hiérarchie qui placerait sa confiance en eux, suscitant par là même la confiance de l’ensemble de la communauté et de la société, afin de leur permettre de travailler sereinement, sans pression ni surcharge inutile. Mais c’est plus difficile que de faire de belles annonces : vive le contrôle continu à la sauce Blanquer !