Dans un climat déjà très anxiogène, les dernières hypothèses de reprise présentées par JM. Blanquer plongent un peu plus l’ensemble des acteurs de l’Education nationale dans la confusion et l’inquiétude.
Alors que l’enjeu primordial devrait être d’estimer comment réduire les risques qui à ce jour empêchent tout scénario de réouverture de nos établissements scolaires, le ministre laisse à penser que les seize jours qui nous séparent encore du 11 mai sont amplement suffisants pour improviser les conditions pratiques d’une rentrée pour tous les enseignants et pour des millions d’élèves, à peine étalée sur deux ou trois semaines.
Le SNCL rappelle que tous les avis scientifiques concordent vers une nécessaire prudence en ce qui concerne le déconfinement, de trop nombreuses incertitudes subsistant encore sur les modalités d’évolution de la maladie ainsi que sur le rôle joué par les enfants dans sa propagation.
Le SNCL, signataire du communiqué intersyndical du 17 avril, a déjà alerté le ministère sur les décisions absolument nécessaires avant toute réouverture : politique massive de tests, désinfection des écoles fréquentées pendant le confinement, matériel de protection, mise en place de mesures d’éloignement pour les personnels fragilisés, mesures de distanciation physique pour les élèves et les personnels dans tous les espaces fréquentés (et pas seulement les classes)…
Le SNCL a également mis en avant l’étude de l’ONS (Observatoire National de la Sécurité et de l’accessibilité des établissements scolaires) réalisée en mars dernier auprès de 8000 établissements, révélant que 22 à 25% de nos écoles, collèges ou lycées ne disposent pas à l’heure actuelle d’assez de points d’eau ou de savon pour assurer le simple respect des gestes barrière.
À ce jour, aucune réponse précise, aucun chiffre, aucune date de livraison n’ont été donnés pour ces attentes cruciales. Le ministère se défausse sur l’échelon local et l’improvisation au cas par cas des directeurs d’école et chefs d’établissement, des maires et préfets qui vont donc devoir porter la responsabilité à sa place. C’est consternant.
Le SNCL demande l’établissement d’un protocole national clair et ferme faisant foi pour tous et engageant la responsabilité de l’Etat pour chaque école, chaque collège et chaque lycée envisageant effectivement d’ouvrir à partir du 11 mai.
Le SNCL demande l’émission d’une circulaire ministérielle fixant de façon claire les mesures d’éloignement du travail et d’autorisation d’absence pour les agents de l’Education le souhaitant et :
- dont l’âge, la santé ou les antécédents de santé font d’eux des publics à risque face au covid-19.
- dont les enfants, les proches ou les ascendants qui partagent leur foyer ou dont ils ont la charge présentent eux aussi des facteurs de risque face au covid-19.
- dont les enfants ne font pas partie des tranches d’âge qui seront immédiatement accueillies en établissement et qui nécessitent donc la présence d’un de leurs parents à la maison pour être gardés.
Le SNCL demande en outre un renforcement immédiat des équipes de personnels (agents d’entretien, de surveillance, personnels médicaux) qui sinon ne pourront faire face aux besoins nouveaux à la reprise.
Le SNCL demande un plan triennal d’investissement conséquent dans l’équipement et la rénovation des sanitaires scolaires, tout particulièrement pour la multiplication des points d’eau, la modernisation des systèmes de séchage de mains et l’approvisionnement en savon, gel.
Le SNCL demande à ce que les Comités d’Hygiène et de Sécurité locaux soient mis en position de valider ou non les réouvertures des établissements sur remise d’un rapport complet de la situation, incluant le projet d’adaptation des enseignements retenu par l’équipe éducative.
Le SNCL demande aussi au ministère d’annuler la suppression des 440 postes prévue en septembre prochain dans les collèges et les lycées. Ces établissements qui recevront entre 22 500 et 28 000 élèves de plus à la rentrée 2020 par rapport à celle de 2019 (date à laquelle 2650 emplois avaient d’ores et déjà été supprimés par JM. Blanquer…), auront au contraire besoin de 1600 postes supplémentaires pour assurer un taux d’encadrement stable. Le ministère doit y remédier.
Enfin, le SNCL rappelle que les enseignants ne pourront en même temps assurer leurs cours en présentiel et le suivi du travail à distance pour les élèves ne pouvant accéder à la classe. Les semaines de confinement ont montré à quel point l’organisation d’un enseignement télétravaillé pouvait être lourd et chronophage. En aucun cas, il ne pourrait être compatible avec une reprise des classes à temps plein. En conséquence, le SNCL demande au ministère :
- de respecter ses devoirs envers ses fonctionnaires en télétravail qui, en l’absence du nouveau décret attendu sur le sujet, sont soumis aux dispositions du décret 2016-151 et en ce sens sont en droit d’attendre de leur employeur la prise en charge des « coûts découlant directement de l'exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ».
- de promulguer un arrêté ministériel sur la question du télétravail (celui-ci étant appelé à perdurer au moins jusqu’en juillet pour la plupart des enseignants) officialisant cette situation et rappelant aux agents les garanties dont ils disposent en matière d’accident du travail (même à leur domicile dans un contexte télétravaillé).
- de consacrer la première semaine à l’organisation d’une vraie prérentrée pour tous les enseignants (y compris ceux du premier degré) afin qu’ils puissent s’organiser et s’adapter au nouveau matériel et aux nouvelles consignes avant de recevoir tout public supplémentaire.
- d’enjoindre toutes les équipes de direction dont les établissements sont appelés à rouvrir à fournir à leurs équipes un emploi du temps modifié à valeur contractuelle respectant les obligations réglementaires de service et partageant de façon proportionnée et raisonnable le temps de travail en classe et/ou le temps de travail à distance, avec l’accord de chaque personnel concerné.
En l’absence de ces décisions, le ministère devra porter la responsabilité, y compris juridique, de la mise en danger et de la dégradation de la santé de ses agents et des élèves qu’ils recevront, et assumer toutes les conséquences néfastes qu’un déconfinement prématuré et improvisé aura sur le développement national de la pandémie.