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Septembre 2020 : une rentrée singulière

Septembre est là, et la situation sanitaire nationale n'est pas vraiment plus clémente que celle que nous avons laissée avant les congés d'été... Point sur la situation.

Suite à une année scolaire 2019-2020 inédite, il aurait fallu envisager des modalités de reprise qui soient adaptées à cette situation nouvelle. Il semblerait plutôt que le ministre de l’Education nationale ait choisi un dispositif proche de la normale, probablement destiné à ne pas pénaliser les parents qui doivent, eux-aussi, retrouver le chemin du bureau ou de l’entreprise  et à favoriser la rentrée de tous les élèves en même temps.

Cette rentrée ne sera pas ordinaire parce qu’elle verra une forte hausse du nombre d’élèves dans le second degré (environ 30 000 supplémentaires).

Elle sera anxiogène pour les personnels parce qu’il est difficile de prévoir dans quel état d’esprit seront les  élèves qui, pour bon nombre d’entre eux, ont interrompu leur scolarité pendant plus de cinq mois.

Les enjeux de cette rentrée sont donc particulièrement forts après le constat qui a été fait de l’aggravation des inégalités dues au confinement et aux conditions de la continuité de la scolarité entre la mi-mars et le début juillet.

 

SOURD ET AVEUGLE ?

A quelques jours de la rentrée de près de 12 millions d’élèves et plus d’un million de personnels et faute d’un plan de reprise cohérent et concerté, nous en sommes à constater que le ministère se refusait à envisager le rebond de la pandémie que nous connaissons actuellement (fin août) lorsqu’il publiait sa circulaire de rentrée début juillet.

Certes, ce document réaffirme le respect des règles sanitaires : gestes barrière, lavage fréquent des mains, port du masque pour les adultes et les élèves de plus de 11ans quand les règles de distanciation ne peuvent pas être assurées dans les endroits clos et les transports scolaires. Aucune mention n’est faite des cantines et des gymnases.

Il va sans dire que les mesures de distanciation physiques dans les classes (1 à 2 mètres par élève), la limitation du nombre d’élèves par classe qui avaient déjà été abolies à quelques semaines de la sortie, ne sont pas réactivées. Ce qui ne pourrait que favoriser à la propagation du virus en cas de reprise.

De même, il n’est plus envisagé de laisser aux parents le choix d’envoyer leurs enfants à l’école, puisque comme le précise la circulaire « tous les élèves sont accueillis sur le temps scolaire ». Ce qui par ailleurs met fin (dès la rentrée tout au moins) au partage entre présentiel et distanciel des périodes d’enseignement plus ou moins bien vécues par la communauté scolaire.

 

LA PÉDAGOGIE

Hormis quelques aménagements pédagogiques dus à la situation sanitaire, cette circulaire de rentrée nous paraît largement « hors-sol » en ce qu’elle reprend les injonctions de la précédente circulaire (juillet 2019) « comme si de rien n’était ».

Il est bien prévu un paragraphe « Identifier les besoins des élèves » et un autre « Répondre aux besoins des élèves » mais c’est là encore l’occasion pour le ministre de revenir à ses marottes que sont les évaluations et la prescription d’ouvrages « clés en main ». Cette année ce sera un livre de grammaire comme si les enseignants n’étaient pas capables de choisir par eux-mêmes les ouvrages qu’ils souhaitent utiliser.

C’est ainsi que refont surface les évaluations nationales (déjà dénoncées l’an dernier par les mêmes enseignants) au début du CP et du CE1 (septembre), au milieu du CP (janvier), en début de 6ème et de seconde (septembre).

Au collège, on privilégie le français et les maths, quitte à laisser de côté (jusqu’aux vacances d’automne ?) les autres disciplines ou à réduire la voilure. Nous dénonçons cette hiérarchisation des disciplines là où il aurait été pertinent de démontrer le lien qui existe entre tous les enseignements, tout particulièrement après la période de relâchement dans les apprentissages  des mois précédents.

Au lycée, la circulaire se borne à préconiser un vague accompagnement renforcé des élèves de seconde et de première année de CAP. Au LP, il sera possible d’organiser des périodes de formation dès le 7 septembre en milieu professionnel (PFMP). Alors que ces élèves, déjà parmi les plus fragiles et les plus « décrocheurs » pendant le confinement auraient mérité qu’on leur donne plus d’école et non moins.

Tout ceci nous paraît bien mince alors qu’était attendue une réflexion et des mesures fortes afin  de régler les problèmes dénoncés par beaucoup sauf par le ministre : inégal accès à internet par les familles, difficultés pour les élèves à travailler seuls ou en dehors de tout cadre que confère le groupe classe…

Si une nouvelle période de confinement devait être décidée et si un plan d’enseignement en distanciel devait être réactivé, quelles mesures ont été prévues pour pallier ces difficultés ? En clair, sera-t-on mieux armés techniquement et pédagogiquement ?

 

LE PLAN DE CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE

Paru après la circulaire de rentrée, ce plan envisage deux hypothèses supplémentaires au cas où la rentrée ne se déroulerait pas de « façon normale ».

Hypothèse 1 : circulation active du virus nécessitant la réduction des capacités d’accueil.

-          Tous les élèves doivent avoir accès à des cours en présentiel chaque semaine.

-          Ces cours sont obligatoires pour tous.

Hypothèse 2 : circulation très active du virus nécessitant la fermeture des établissements scolaires sur une zone géographique déterminée.

L’intégralité de l’enseignement est assurée en distanciel.

Dans les deux cas, des fiches thématiques sont fournies aux enseignants par le ministère. Les enseignants ont déjà prouvé qu’ils sont largement compétents pour élaborer par eux-mêmes des cours pour leurs élèves.

S’il a le mérite d’exister, ce plan n’aborde que de très loin la réalité. Vouloir accueillir le plus d’élèves possible est une chose, masquer les difficultés consécutives en est une autre. La contrainte de la présence de tous les élèves dans une classe chaque semaine notamment complique les emplois du temps et augmente le nettoyage des classes.

Quant aux obligations des personnels elles restent floues : suivi du travail des élèves hors temps de classe en fonction de leurs possibilités et de celles des locaux. Les heures supplémentaires dégagées (1 500 000 heures) seront-elles suffisantes ? Et qui pour les assurer ?

Les équipements informatiques des établissements appartiennent aux collectivités locales et non à l’Education nationale. Demander aux académies d’en gérer le parc est illusoire. Sans compter que le problème crucial de l’accès à internet n’est toujours pas résolu dans tous les établissements.

Aujourd’hui, les mesures sanitaires et pédagogiques envisagées en juillet pour la rentrée sont en grande partie soit obsolètes, soit insuffisantes. Le nombre de personnes infectées est en augmentation et le ministère ne s’est toujours pas exprimé sur de nouvelles mesures plus adaptées.

Côté pédagogie, vouloir évaluer les élèves dès la rentrée, après les conditions d’enseignement depuis la mi-mars est une hérésie pédagogique. Les élèves ont plutôt besoin d’être rassurés, repris en main psychologiquement pour « refaire classe », retrouver à nouveau des réflexes d’apprentissage. L’évaluation ne pouvant être effective et efficiente qu’à l’issue de la procédure. 

Le SNCL demande qu’il soit tenu compte du caractère exceptionnel de cette rentrée et que des moyens humains, matériels et financiers soient dégagés afin qu’elle se passe dans les meilleures conditions possible.