Home » NOS DOSSIERS » REPRISE DU 11 MAI : LES DIRECTEURS ET DIRECTRICES EN première LIGNE

REPRISE DU 11 MAI : LES DIRECTEURS ET DIRECTRICES EN première LIGNE

Dans la tourmente d'une reprise à marche forcée, les directeurs et directrices se sont donnés sans compter. Une surchage de travail qui finalement n'a fait que s'ajouter à une problématique de longue date.

La reprise de l’école du 11 mai a mis en évidence le rôle essentiel des directeurs et directrices d’école du premier degré. Sans eux, pas d’ouverture et M. Blanquer courrait encore après ses jolies statistiques d’accueil qu’il médiatise tant !  

Face à ce défi, les directeurs et directrices ont assuré le lien entre les IEN, les mairies, les collègues et les familles. À leur casquette déjà multifonctions, ils ont ajouté les missions d’« inspecteur de l’hygiène » et de « formateur en gestes barrières ». Au centre de l’échiquier, ils ont été sollicités sans discontinuer, soirs, week-end et jours fériés. Des heures à n’en plus finir, des vies de famille chamboulées, un protocole sanitaire de cinquante-quatre pages à décrypter sans formation en matière d’hygiène sanitaire ou de produits ménagers, des nouvelles normes à appliquer et à communiquer au personnel travaillant dans les écoles… Les directeurs ont été malmenés par leur hiérarchie qui les a laissés bien souvent seuls pour tout affronter, ou leur a donné des ordres suivis aussitôt de contre-ordres balayant d’un revers de main un lourd travail déjà effectué. Certains Inspecteurs n'ont pas hésité à recourir à l'intimidation ou au chantage, intimant les directeurs de mentir aux familles et de les pousser à ramener leurs enfants à l'école.

La seule ligne directrice ministérielle a été cette ouverture à tout prix le 11. Pour le reste, flou absolu… Les directeurs et directrices ont espéré un résumé du protocole, un document national présentant les nouveaux gestes professionnels que les enseignants devaient acquérir, des réponses aux nombreuses questions soulevées par cette reprise… mais rien.

Encore une fois, seuls pour tout gérer et pour tout mettre en place dans les écoles, les directeurs ont pourtant réussi ! Démontrant une fois encore que même seuls sous le poids des injonctions ils tiennent bon et réussissent à tout mettre en œuvre. Preuve s’il en fallait une que les directeurs et directrices d’école connaissent leur métier et sont dignes de confiance pour assurer la gestion administrative et pédagogique des écoles.

Les directeurs sont également des professeurs des écoles. Ils ont en charge des élèves et leur conscience professionnelle n’est plus à démontrer. Lors de cette reprise, ils ont dû à la fois gérer la lourdeur de cette préparation administrative tout en continuant d’assurer la continuité pédagogique pour leurs élèves. Tout ce temps de préparation n’existe pas aux yeux de la hiérarchie et semble normal et dû. Les directeurs semblent corvéables à merci et il est temps de dire stop.

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, la souplesse locale annoncée par le Ministre s’est retournée contre les directeurs et leurs adjoints. Chaque circonscription a agi selon les directives de son Inspecteur, le plus souvent sans s’appuyer sur des textes officiels. Les directeurs ont été l’objet de pressions pour accueillir à temps plein les enfants d’enseignants (afin que ces derniers rejoignent au plus vite le chemin des classes), niant ainsi le droit de chaque enseignant-parent à décider de remettre ou non ses enfants à l’école.

L’école, telle que le protocole sanitaire l’a transformée, est une école dans laquelle les enseignants ne se sentent plus eux-mêmes. Les directeurs souffrent, les enseignants souffrent et donc l’Ecole souffre.

Les directeurs sont en première ligne pour communiquer avec les familles. Pressés par leur hiérarchie de leur « vendre du rêve », ils n’en peuvent plus. Épuisés, fatigués des ordres, des contre-ordres et des sur-ordres. La détresse de Christine Renon, directrice à Pantin, et le cri d’alarme lancé à travers son geste fatal n’a pas résonné longtemps. Tous les directeurs se sont reconnus dans sa lettre parce que ce qu’elle a écrit, telle est bien la vie ordinaire d’un directeur d’école. Leur travail est reconnu pour partie par leurs collègues mais très peu par leur hiérarchie. Peu de temps de décharge et une prime de 200 à 400 euros par mois selon la taille de l’école qui ne correspond en rien aux nombreuses heures passées à gérer la direction au quotidien… Les directeurs sont secrétaires, intendants, concierges, comptables, professionnels de la sécurité, gestionnaires de travaux, réparateurs, psychologues, assistants sociaux, médecins scolaires, enquêteurs, animateurs de fêtes d’école…… Tout le monde s’appuie sur eux, IEN, collègues, mairie, parents….mais qui réalise vraiment la surcharge de travail qui en découle ?

A l’heure de l’école dite de la confiance, quand le Ministre fera-t-il confiance aux directeurs et directrices en leur donnant un pouvoir décisionnel dans leur école ? Quand leur surcharge horaire de travail sera-t-elle récompensée par un salaire correspondant au travail fourni ? Quand les directeurs auront-ils enfin du temps officiel dédié à leurs tâches administratives ? Les directeurs œuvrent pour le bien de leurs élèves et de leurs collègues et ils méritent une reconnaissance à la fois salariale et horaire. Désormais, le temps est venu pour que les responsabilités qui se sont surajoutées l’air de rien sur le dos des directeurs au fil des années soient reconnues à leur juste valeur.

 

A lire aussi : le détail du projet de loi visant la création d'une fonction de direction d'école.