Le préambule annonce la couleur. Semblant d’abord enfoncer des portes ouvertes lorsqu’il déclare que les familles, les élèves et tous les membres de «la communauté éducative» doivent faire preuve les uns envers les autres de confiance (faute de quoi serait rompu le lien qui doit les unir), cet article pose les jalons pour, à sa suite, empêcher la libre expression des enseignants, tout particulièrement sur les réseaux sociaux.
Désormais, cet article pourra en effet être invoqué sous couvert d’«exemplarité et d’irréprochabilité» lorsqu’un collègue aura critiqué l’institution, une réforme, voire la politique du ministre. La loi permettra dès lors de sanctionner ce type de comportement, jusqu’à la révocation des personnels incriminés.
Cet article, purement autoritaire, va donc permettre de contrôler la parole des enseignants alors même que cette liberté est nécessaire à l’exercice de leur métier ; une fois les enseignants réduits au silence, les mesures qui constituent les vrais objectifs de la loi toute entière, pourront se mettre en place (économies budgétaires, précarisation des enseignants par la perte du statut protecteur, nouvelles dégradations des conditions de travail par l’imposition de nouvelles tâches…). L’engrenage aura commencé.
A toute fin utile, nous rappelons cette très juste mise en garde opérée par Jean Jaurès, dès 1908, à propos des supposés neutralité et devoir de réserve des enseignants : «La plus perfide manœuvre des ennemis de l'école laïque, c'est de la rappeler à ce qu'ils appellent la ''neutralité'', et de la condamner par là à n'avoir ni doctrine, ni pensée, ni efficacité intellectuelle et morale. En fait, il n'y a que le néant qui soit neutre». Ainsi, les fonctionnaires de l’Éducation nationale ne sauraient être réduits à des simples exécutants soumis au devoir d’application bête des différentes lubies politiques des gouvernements se succédant à la tête de l’État. Ils sont bien plus, bien au-delà de cela. Ils sont à la fois les héritiers, les garants et les promoteurs de la République, dont la défense et le respect de la doctrine dépassent largement les intérêts politiques ou médiatiques ponctuels d’un quelconque ministre. Non seulement, ils n’ont ni à se taire, ni à obéir aveuglément, mais bien au contraire à penser, à moraliser, à analyser et dénoncer méthodiquement et efficacement toute atteinte portée à la Nation et à ses valeurs Républicaines, ceci y compris à travers leurs enseignements qui ont pour but incontestable de faire de tous les élèves des citoyens éclairés, épris de liberté, d’intégrité et de justice, suffisamment armés intellectuellement pour, par exemple, ne jamais devenir les jouets de manipulation idéologique ou de stratégies de communication partisanes.
Le SNCL-FAEN rappelle en outre qu’il entretient un état d’esprit similaire concernant son propre engagement et sa propre neutralité en matière de politique; à savoir qu’il ne saurait se compromettre dans les polémiques partisanes des appareils gouvernementaux, et qu’il ne considère pas non plus lui appartenir de soutenir ou rejoindre un quelconque mouvement de contestation populaire (qu’il soit circonscrit à un domaine d’activité professionnelle précis, ou de plus large ampleur); ceci toutefois à la seule réserve que l’Ecole Républicaine elle-même ne soit pas directement menacée. Dans ce cas, notre syndicat prendrait alors ses responsabilités pour s’engager contre ceux qui osent mettre à mal notre Éducation nationale et ses principes d’équité et de liberté.