C'est officiel : depuis ce lundi 16 septembre, nous savons que la réforme du brevet ne s’appliquera pas pour la session 2025, les décrets n’ayant pas été publiés à temps. Cette clarification est la bienvenue car il devenait compliqué de présenter l’année de 3ème aux élèves et aux parents sans pouvoir leur préciser les modalités et enjeux du DNB.
Ainsi, l’obtention du diplôme ne conditionnera pas le passage au lycée cette année. Par ailleurs, l’équilibre entre le contrôle continu et les épreuves finales reste le même : 50% pour les deux, au lieu d’une révision en faveur des secondes, ce que souhaite pourtant le SNCL.
Nous scruterons avec attention les décisions du prochain ministre de l’Education nationale pour savoir si cette réforme sera reportée à 2026 ou bien abandonnée.
A cette occasion, le SNCL vous propose son analyse sur les enjeux et l’identité de ce diplôme de fin de cycle 4, en commençant par dresser le bilan de la session 2024, puis en effectuant un rapide retour historique sur sa genèse.
L’état des lieux
Comme chaque année, les collègues exerçant en collège ont souvent terminé l’année scolaire épuisés avec la correction des épreuves du DNB, en français, mathématiques, histoire-géographie et EMC, ainsi que des épreuves scientifiques. Ils avaient déjà fait passer l’épreuve orale, entre mi-juin et fin juin. La fin d’année a donc été intense comme souvent, mais plus encore cette fois-ci en raison des dates choisies pour les épreuves.
Un choix de dates très tardives
Pour la première fois, les épreuves ont eu lieu très tardivement, les 1er et 2 juillet, et les corrections se sont donc déroulées essentiellement le 4 juillet. Certains médias avaient annoncé fin septembre les dates des 27 et 28 juin, rien de plus classique … mais le BO du 28 septembre 2023 a coupé court à cette rumeur pour finaliser à une date ultérieure, le 1er et 2 juillet, dates très tardives et sans aucun respect pour les correcteurs qui sont toujours débordés lors de cette période de préparation de la rentrée suivante, tout particulièrement cette année.
Chacun sait que la préparation de la rentrée 2024 ne s’est pas annoncée sous de meilleurs augures avec l’instauration des « groupes », l’obligation de progressions communes, les réunions d’équipes et autres. Quid de la reconnaissance de la charge de travail de fin d’année des professeurs ?
Le SNCL déplore ces dates tardives qui ont empiété sur la préparation d’une rentrée déjà prévue comme difficile ! Les derniers jours de juin semblaient plus en adéquation avec le rythme soutenu de l’année scolaire.
L’administration ne semble guère tenir compte des jours de préparation d’une rentrée quelque peu à l’aveugle.
Pour cette session de juillet 2024, 718 800 candidats ont obtenu leur DNB ce qui correspond à un taux de réussite de 85,6 % avec un pourcentage plus important en série générale : 86,8 % et moins important en série professionnelle avec 75,1 %. Si une baisse de 3,5 % a été constatée cette année, baisse fort minime, peut-être est-ce en lien avec la disparition des correctifs académiques.
Modification ou pas du calcul des points ?
On peut se demander quelle sera précisément l’évolution du DNB dans le cadre de la réforme en suspens. Le choc des savoirs prévoyait un retour en arrière concernant le calcul du contrôle continu (notes obtenues en 3e) et une diminution de son poids en faveur des épreuves finales.
Cette année encore, le DNB prenait en compte les résultats du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Chaque élève de 3e est évalué en fonction des compétences du socle. Le socle divisé en huit composantes lui donne un certain nombre de points, de 10 pour une maîtrise insuffisante à 50 pour une très bonne maîtrise. Malgré tout, sachant qu’un élève ne maîtrisant absolument aucune des compétences obtient 10 points par compétence donc un total minimum de 80 points, voici des points bien aisément acquis !
Ceci avait pour conséquence le fait qu’un certain nombre de « bons » élèves obtenaient le DNB avant de passer les épreuves et que les élèves peu intéressés par leurs études avaient une garantie d’obtention de 80 points. Est-ce bien motivant ?
Normalement le calcul des points de ce premier diplôme de second cycle doit être révisé dans la réforme, toutefois la partie concernée par les points liés aux compétences serait remplacée par les moyennes obtenues en 3e. Un certain recul !
Parmi les plus anciens d’entre nous, personne n’a oublié les années où les moyennes de 4e ET de 3e étaient prises en compte pour le calcul de l’obtention ou non de ce fameux diplôme puis uniquement les moyennes de 3e. Dans un cas comme dans l’autre, cela pose toutefois la question des pressions que peuvent subir les enseignants sur leur manière d’évaluer les élèves, problématique bien connue en lycée.
Un diplôme à géométrie variable
Le DNB, ou BEPC, ou brevet des collèges est un examen de fin de cycle, rite de passage important pour les élèves et les parents.
Né au milieu du XX° siècle, le « brevet d’études du premier cycle du second degré », aussi dénommé BEPC a pris la place du brevet élémentaire.
Mais n’oublions pas, pour les plus jeunes, que les épreuves de ce fameux examen avaient totalement disparu. De 1977 à 1986, le diplôme de fin de collège, appelé alors « Brevet des collèges » est attribué ou non par un jury au vu des résultats de l’année de 3e. C’est en 1986 que nous avons assisté au « retour du brevet » avec la restauration de la passation d’épreuves écrites, au nombre de trois : français, mathématiques et histoire-géographie auquelles on ajoutait encore une dose de contrôle continu.
Mais cette année 1986 restera gravée dans les mémoires face au choc consécutif aux résultats de ces premières épreuves rétablies par Jean-Pierre Chevènement, alors Ministre de l’Education nationale, qui ne sait alors comment se défendre face à l’ampleur de la catastrophe ...
Des « résultats alarmants », en titre de l’un des plus célèbres journaux nationaux, c’est le moins que l’on puisse dire. Moins d’un élève sur deux obtient la moyenne aux épreuves écrites. 764 546 candidats s’étaient présentés aux épreuves, et 378 711 candidats l’avaient obtenu, soit un pourcentage de 49,5 % montant difficilement jusqu’à 58,8 % de reçus pour les candidats issus de collège !
D‘après le Figaro de l’époque, le chiffre des reçus n’aurait pas dépassé les 20 % à 30 % si les notes n’avaient pas été revues à la hausse.
Aurait-on alors assisté à la naissance des premiers « correctifs académiques » pour remonter les moyennes trop basses afin de permettre de maintenir un pourcentage satisfaisant de reçus ?
Une situation de crise
Interrogé au Sénat par M. de Rohan, sénateur du Morbihan sur ce cuisant échec, Jean-Pierre Chevènement répond déjà à la rentrée 1986 que « Les résultats du brevet 1986 sont en cours d’exploitation par le service de la prévision, des statistiques et de l’évaluation. »
Le ministre ajoute que « le rétablissement d’un examen sur trois disciplines pour tous les candidats (note : y compris les élèves de LP) a pu déconcerter les élèves mal préparés à ce type d’exercice au cours de la seule année scolaire 1985-1986 : le diplôme était en effet antérieurement délivré aux élèves des classes de 3ème de collège et de 3ème préparatoire de lycée professionnel sur la seule base des résultats de l’année scolaire. L’exigence de la moyenne à ces trois épreuves pour l’admission s’est révélée également un facteur de difficulté supplémentaire de réussite des candidats. » (JO Sénat du 1/10/1986).
Il s’ensuit la nécessité de réfléchir à l’inadéquation des épreuves face aux programmes de l’époque et les premières dissimulations de la baisse catastrophique des résultats de tomber.
Son successeur René Monory choisira déjà la prise en compte pour les 2/3 du contrôle continu y compris la fameuse note de « vie scolaire » ainsi que la différenciation des séries : générale, technologique et professionnelle, et alors la lente ascension des résultats prendra son envol …
Des résultats en hausse constante, quelle origine ?
Malgré tout, quel grand écart si l’on compare les résultats de 2024 et ceux de 1986. Les ministres qui se sont succédé auraient-ils réussi à faire remonter le niveau de nos chères têtes blondes ou les épreuves ont-elles été simplifiées au fil des sessions ?
Il est aisé de constater qu’après l’échec cuisant de 1986, les pourcentages de réussite n’ont fait que progresser, de 74,2 % en 1995 à 77 % en 2000 pour finir à 90,5 % en 2020, certes année du DNB « spécial Covid » sans épreuves, uniquement basé sur le contrôle continu. Depuis ces dernières années, il se promène entre 87 % et 89 %.
On peut alors se demander si le niveau des élèves a progressé ou si les épreuves sont chaque année un peu plus faciles. Cette année particulièrement, les enseignants se sont accordés à dire que les épreuves de français et de mathématiques en particulier leur semblaient plus faciles ce qui évitait le risque d’échec en raison de la disparition des correctifs académiques… Encore que même sans correctifs académiques, de nombreux collègues nous ont signalé des consignes orales données par les IPR et les responsables de centres de correction pour faire œuvre de bienveillance. Mais rien n’a été écrit : verba volant, scripta manent …
Le SNCL ne peut qu’espérer que ce diplôme sera un jour en rapport avec les modifications demandées. Il veillera avec attention sur le devenir de la réforme du DNB et sur ses éventuelles modifications.