Filles en CPGE scientifiques : une excellence encore trop masculine

Alors que l’Éducation nationale affirme promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, une réalité tenace demeure : les filières scientifiques d’excellence, notamment les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), restent très majoritairement masculines. Ce déséquilibre ne résulte pas d’un désintérêt « naturel » des filles pour les sciences, mais d’un ensemble de freins scolaires, sociaux et culturels, que le SNCL dénonce avec force.

Les chiffres alarmants demeurent persistants. En 2024, les données montrent une stagnation préoccupante :

  • Les filles représentent à peine 30 % des effectifs en CPGE scientifiques, contre près de 50 % en filières littéraires ou économiques.
  • En MPSI (maths, physique, sciences de l’ingénieur), elles ne sont que 18 à 20 % des élèves. Mais plus préoccupant pour le SNCL, ce chiffre varie peu depuis une décennie. Cela signifie que les efforts faits et les décisions prises sont inefficaces.
  • En PTSI et TSI (plus orientées vers la technologie), les taux sont encore plus bas, malgré un vivier potentiel en bac techno.
  • Seules les BCPST (biologie) présentent un équilibre plus favorable (près de 65 % de filles), mais cette filière, bien que scientifique, reste symboliquement associée au soin, à la biologie — des domaines historiquement féminisés.

Pour le SNCL, ces chiffres traduisent une exclusion douce, progressive, mais bien réelle. En effet, même si les performances sont bien souvent similaires, les orientations sont bel et bien divergentes.

Pour le SNCL, la sous-représentation des filles en CPGE scientifiques n’est pas le fruit du hasard. Elle prend racine dès le secondaire, dans des biais éducatifs subtils mais puissants : bien souvent, les garçons sont davantage encouragés dans les matières scientifiques. Les filles quant à elles subissent souvent des stéréotypes de genre persistants sur leurs « aptitudes naturelles », et force est de constater que même s’ils existent, il y a une sous-représentation de modèles féminins dans les disciplines scientifiques. Mais les faits sont là. Les filles ont des résultats scolaires aussi bons, voire meilleurs que ceux des garçons dans ces matières, mais elles sont souvent dissuadées implicitement d’oser les filières les plus exigeantes. Voire, elles se brident et se sous-estiment, s’estimant incapables de réussir dans les sciences.

Il est désormais établi que les filles réussissent aussi bien, voire mieux, que les garçons dans les matières scientifiques au lycée. En mathématiques ou en physique-chimie, leurs moyennes sont équivalentes. Pourtant, elles sont moins nombreuses à candidater en CPGE scientifiques et encore moins à s’y sentir légitimes. Pourquoi ? Parce que l’orientation est l’un des lieux majeurs de la reproduction des inégalités. De manière insidieuse, de nombreux messages — verbaux ou implicites — dissuadent les filles de s'engager dans les voies les plus exigeantes.

Un garçon sera souvent qualifié de « brillant » ou « logique », tandis qu’une fille sera « sérieuse » ou « appliquée ». Les conseils d’orientation soulignent davantage le stress et la pression des CPGE auprès des filles, moins en ce qui concerne les garçons, considérés comme plus aptes à encaisser les chocs et la pression.

Le SNCL s’attache à une école voulue comme républicaine et égalitaire, mais qui reste le reflet d’une société encore trop souvent marquée par les inégalités. En ne luttant pas activement contre les biais, quels qu’ils soient, l’école participe malheureusement à la perpétuation des inégalités.

Dans les classes, bien souvent, les attentes des enseignants sont inconsciemment marquées, du  fait que les garçons sont plus expansifs et prennent davantage la parole que les filles, souvent plus studieuses et introverties. Ces attitudes biaisent malencontreusement les orientations et encouragent les garçons à davantage oser les filières sélectives, cantonnant les filles vers des filières vues comme plus raisonnables ou sécurisantes. On dépasse ici la question de volonté individuelle, mais il s’agit réellement de mécanismes structurels que l’institution, à la demande du SNCL, doit corriger.

De plus, les CPGE, véritables fleurons de l’enseignement français, avec toutes leurs qualités et spécificités peuvent également être vues comme inégalitaires d’un point de vue social. En effet, les élèves issus de CSP+ y sont surreprésentés, pour des raisons identiques à celles qui freinent les filles. Manque d’ambition ou de confiance en soi.

Le SNCL pense que ces filières d’excellence doivent s’ouvrir au plus grand nombre, non pas en baissant les niveaux et les exigences mais en ouvrant davantage sur des phases de remise à niveau académiques mais aussi psychologiques. Les effets cumulés des stéréotypes, du manque de soutien, du climat de classe bien souvent compétitif, peuvent conduire certaines catégories d’élèves à se désengager, voire à renoncer en cours d’année. Après avoir vécu sur un long fleuve tranquille lors des années de secondaire, l’appétence au travail et à l’effort n’est pas facilement au rendez-vous. Il faut réintroduire ces notions qui n’auraient jamais dû quitter les collèges et les lycées.

Même lorsqu’elles intègrent une CPGE scientifique, les filles ont souvent un sentiment d’illégitimité, amplifié par leur faible représentation dans la classe. Le travail à effectuer est profond.

Pour tendre vers une égalité réelle bien dans le fil droit de la laïcité défendu par le SNCL, nous proposons une sensibilisation des enseignants aux biais de notation, d’orientations conseillées : rassurer les élèves visant les CPGE par des dispositifs de mentorat ou tutorat qui pourraient être mis en place dès la seconde avec des étudiants de CPGE ou de grandes écoles.

Créer des stages d'immersion réservés aux filles dans les CPGE scientifiques pour leur faire découvrir ces filières sans pression. Et dédramatiser les enseignements qui y sont prodigués. Organiser des rencontres avec des chercheuses, ingénieures ou enseignantes-chercheuses dans les établissements. Pour que les filles puissent constater de visu que si l’on se donne les moyens et si les investissements sont suffisants, il est possible, pour tous, de renverser des montagnes, à la mesure des capacités de chacun.

L’excellence pour tous et toutes, pas seulement pour quelques-uns. Le SNCL ne peut accepter qu’une élite scientifique française se construise sans les filles, sans toutes les classes de la société ou à leurs dépens. L’égalité ne se décrète pas : elle se construit, elle se défend, elle se revendique.

Il est temps d’ouvrir grandes les portes des CPGE scientifiques aux filles et à tous ceux qui le méritent, non pas pour "faire du chiffre", mais parce qu’il est juste, nécessaire, et urgent que chacune et chacun puisse viser haut, sans entrave ni condition.

Publié le 22 septembre 2025