Monsieur le Ministre, Madame la Ministre
Vous avez été destinataires en début de semaine d'un communiqué de la FCPE vous transmettant avec vigueur le désarroi de millions de parents et d'élèves face au flou persistant et à l'indécision qui règnent à l'heure actuelle au sein de l'Education nationale.
Hier, une lettre signée de l’interfédérale et de la FCPE vous interpelait également sur votre vision de l’enseignement à distance et vos projets concernant les congés de printemps.
Le SNCL ne peut qu'appuyer ces appels et demande lui aussi à ce que cesse d'être entretenu le mythe d'une continuité pédagogique, qui voudrait faire croire qu'une classe virtuelle peut remplacer un enseignement en présence. La situation est urgente et le temps est à l'action. Des décisions importantes sont nécessaires dès à présent à tous les niveaux de notre système éducatif. Rester dans le déni de cette urgence ne pourrait qu'aggraver encore la situation.
Le SNCL demande à ce qu'une ordonnance complémentaire à celle du 27 mars soit prise et publiée afin d'établir dès à présent les modalités pratiques retenues pour la passation des épreuves d'examens et concours initialement prévues en mai et juin prochains, ceci autant pour le Baccalauréat que pour les C.A.P et les BTS. Le SNCL demande également à ce que toutes les écoles supérieures et les universités de France soient destinataires d'une communication officielle de vos ministères visant à harmoniser les pratiques retenues comme alternatives aux passations des examens universitaires, des concours d'accès aux grandes écoles et de l'ensemble des concours de recrutement de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur. Lycéens, étudiants, personnels contractuels, candidats libres à des concours internes ou externes, tous ont le droit de savoir ce à quoi ils doivent se préparer dès à présent.
En ce qui concerne le télétravail actuel des enseignants, nous vous demandons de renoncer au discours peut-être rassurant mais biaisé qui laisse croire aux élèves et à leurs familles que l'enseignement est dispensé avec la même efficacité mais sous une autre forme. Il vous revient au contraire d’admettre, et ceci malgré l'engagement formidable de tous les enseignants dès le premier jour du confinement, que du temps d'apprentissage est inévitablement perdu chaque semaine qui passe pour des millions d'élèves, en particulier pour les plus fragilisés dans leurs apprentissages ou pour les près d'un million qui souffrent de la fracture numérique et ne disposent d'aucun moyen technique permettant un quelconque suivi à distance. Il revient à vos ministères de s'engager dès maintenant à ce que, une fois la crise passée, des mesures proportionnées et raisonnées soient prises pour compenser ces pertes d'apprentissage pour tous, sans chercher à faire des économies sur le dos du savoir dû à chacune et chacun. Cet engagement devra se traduire par un effort financier à la hauteur de cet enjeu.
Nous demandons également un positionnement ministériel officiel concernant l'usage d'applications de communication diverses utilisées actuellement dans l'urgence par les enseignants pour maintenir à tout prix le lien pédagogique. L’alerte émanant de la CNIL à propos de certaines de ces applications contrevenant aux règles du RGPD est un signal grave qui met en lumière le danger encouru par les collègues qui exposent actuellement sans le savoir leurs données personnelles en ligne dans l'intérêt de leur travail et de leurs élèves. Des positionnements rectoraux radicalement opposés d’une académie à l’autre, à l’heure actuelle, ne font qu’ajouter un peu plus de confusion à ce niveau.
Nous espérons enfin que cette crise aura su mettre en lumière les lacunes et l'impréparation numériques de l'Education nationale que nous dénonçons depuis si longtemps sans jamais trouver d'oreille attentive. A l'heure d’un essor technologique sans précédent au sein des enseignements, comment pouvons-nous encore compter seulement sur le matériel personnel des enseignants qui utilisent à leurs frais leur ordinateur, leur imprimante, leur téléphone pour tenir debout un système éducatif qui ne s'est jamais donné les moyens de les équiper et de les former correctement ? C'est un plan massif de formation et d'investissement dans ce secteur qui devra faire suite à la crise du covid-19, sans lequel toutes les politiques publiques futures d'essor numérique au sein de nos écoles resteront dépourvues de sens.
En espérant que vous serez sensibles à ces urgences, veuillez recevoir, Monsieur et Madame les ministres, nos salutations les plus respectueuses.
Pour le Syndicat National des Collèges et des Lycées,
Norman GOURRIER
secrétaire général