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Samuel Paty, martyr de la République

Samuel Paty, martyr de la République - SNCL

L’assassinat de notre collègue a rappelé douloureusement à chacun ce qui est en jeu depuis de trop nombreuses années dans le combat quotidien de notre institution contre l’ignorance et le fanatisme.

La défense de la laïcité n’est pas moins cruciale aujourd’hui qu’hier. Si l’engagement qu’elle demande est intemporel, les formes qu’elle doit prendre varient évidemment en fonction des contextes et des époques.


Les articles de la Charte de la laïcité à l’école de 2013 spécifient :


– "Art. 10. Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et a valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République [...]."


– "Art. 12. Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l'ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu'à l'étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n'est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme dans le cadre scolaire."


Or, quand il s’agit de défendre la laïcité, nous savons que les pressions sont multiples et que le soutien hiérarchique fait souvent défaut. C’est une des raisons pour lesquelles le SNCL a estimé dans ce contexte que la vérité devait être établie sans contestation possible sur l’ensemble des faits ayant précédé la mort de Samuel Paty. Il a demandé dès le lendemain de l’assassinat à ce qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée (dont l’impartialité ne sera pas aussi contestable qu’une enquête émanant de l’Inspection générale).


Cette première revendication a ensuite été suivie d’une procédure de réflexion profonde de l’ensemble du Bureau national de notre syndicat. En s’appuyant sur les statuts et les motions d’orientation du SNCL et de sa fédération, nous avons ainsi développé un plan d’action en quatorze points concrets applicables dès à présent. Un hasard de calendrier a également voulu que, le 13 octobre dernier, soit publié le rapport du séminaire national des équipes académiques Valeurs de la République. L’écart entre la réalité et les conclusions d’un tel rapport est une occasion de plus de constater la forme d’omerta sous laquelle les professeurs s’interdisent de signaler les problèmes de laïcité rencontrés, soit par crainte, soit par pression hiérarchique. On apprend toutefois dans ce rapport que les atteintes portées contre la laïcité sont essentiellement en progression dans le premier degré (passant de 33 % à 40 % des cas en un an), et concernent de plus en plus les parents d’élèves (passant de 19 % à 22 % des cas en un an).


Les professeurs attendent depuis trop longtemps les engagements des décideurs nationaux qui permettront de restaurer leur autorité et le caractère incontestable de leur enseignement. Ceux qui année après année, démantèlement statutaire après démantèlement statutaire, ont encouragé l’ingérence des parents et rendu notre école républicaine incapable de mener à bien ses missions, portent aujourd'hui une part de responsabilité indéniable. Ceux qui ont transigé avec la laïcité par calcul politique, aussi. Les enseignants ont été désavoués, méprisés et ne peuvent même plus exercer leur métier dans certains secteurs sans risquer qu'on les assassine. La casse de leurs statuts et la perte de leur autonomie a contribué à faire d’eux des cibles politiques, là où ils devraient être les seuls agents de l’Etat et non perçus comme les soldats aux ordres d’un quelconque gouvernement.

 

 

Quelles réactions de l’institution, pour quelles actions ?

 
Le jour de la rentrée ayant suivi les congés de Toussaint, jour de l’hommage rendu à Samuel Paty dans les établissements scolaires, le ministère a reçu un total de 800 incidents enregistrés via l’application de signalement « faits établissement ».


44 de ces incidents ont donné lieu à des exclusions définitives d’élèves, 131 à des exclusions temporaires. 286 incidents ont donné lieu à des signalements auprès des forces de police. 136 auprès des procureurs de la République. Parmi tous ces incidents, 135 ont été clairement identifiés comme apologies du terrorisme. 40 ont constitué des menaces directes contre des enseignants ou d’autres agents de la fonction publique.

Ce lourd bilan, en une seule journée qui se voulait un temps de rassemblement, permet de prendre la mesure du problème. La remise en cause de la laïcité progresse et s’aggrave partout, n’en déplaisent aux statistiques des précédents rapports. Il est urgent de changer d’approche : la politique de l’autruche ne paiera jamais en la matière. La parole doit se libérer, les signalements doivent être facilités et suivis d’effet.


Hélas, le rapport de l’inspection générale rendu sur la mort de Samuel Paty, le mois dernier, montre que notre ministère n’en a pas fini avec la langue de bois. Sur de nombreuses pages, on peut voir l’institution se démener dans une analyse tatillonne des éléments et témoignages rassemblés sur le déroulement des faits, depuis le cours de S. Paty le 5 octobre, jusqu’à sa mort le 16, dans une logique avant tout défensive. Montrer point par point que la hiérarchie a fait son travail, que le rectorat est inattaquable, que l’inspection académique a été parfaite… ce n’est certainement pas le biais qu’on attend d’un document d’enquête censé éclaircir objectivement les événements.


Le rapport se veut aussi à charge contre la police : pourtant, il semble difficile de reprocher aux forces de l’ordre leur attitude dans l’affaire. Toutmontre au contraire qu’ils ont pris au sérieux Samuel Paty (dont ils ont enregistré la plainte le 12 octobre), peut-être plus sérieusement que notre propre ministère. Des rondes en voiture banalisée ont été mises en place aux abords de l’établissement et les services de renseignement ont collecté un grand nombre d’informations sur les réseaux sociaux, qui vont étoffer le dossier maintenant entre les mains de la justice.


Ce ne sont donc pas en soi ni les services de police, ni ceux de la justice qu’il faut blâmer. Pour le SNCL, il est en revanche pertinent de construire et d’affermir les liens entre ces derniers et l’Éducation nationale enmatière de suivi et de réponse donnée aux atteintes portées aux valeurs de la République : plusieurs des revendications élaborées par notre Bureau et décrites dans les pages qui suivent vont dans ce sens.